Le soir venu, comme annoncé, ils se retrouvèrent autour de la table du maitre des lieux. Malgré sa barbe qui se teintait d'argent, il restait imposant et c'est d'une voix de stentor qu'il les accueillit.
Une fois les habituelles politesses terminées (même en Lenclume elles sont de rigueur ! S'en énerva Gaëlyr), le ballet des plats et des serviteurs commença.
Les brétons, friands de la chère rougegarde, firent honneur n'a la table. Seul Gaëlyr et le roi firent preuve de retenue, s'examinant l'un l'autre sans honte, joueurs d'exceptions d'un jeu connu de peu, maîtrisé par bien moins encore.
Ce n'est que le repas touchant à sa fin qu'ils entamèrent le dialogue.
" Vous n'êtes pas les premiers Brétons à venir à moi pour me parler de ces "échanges culturels"... Qu'est devenu le dernier ? Je crois me souvenir que son nom était également Gaëlyr, quelle curieuse coïncidence...
- En effet, mon prédécesseur était mon homonyme. Pour autant que je sache, nul ne sait ce qu'il est devenu depuis la fin de la guerre daedrique. Certains racontent qu'il s'est enfermé dans un cercueil de cristal où il attend les dernières heures du monde, pour se réveiller et combattre au nouveau pour Hauteroche, d'autre disent que les Divins l'ont ramenés aux cieux lorsque sa mission fut finie. D'autre enfin, affirment qu'il est encore là, qu'il va et vient entre Hauteroche et la Citadelle.
- C'est à se demander s'il n'est pas une part de vérité dans tout cela. Si mes souvenirs sont bons... Mais vous " demanda-t-il vivement " qu'en pensez vous ? Est-il mort, ou bien les Dieux l'ont ils emporté auprès d'eux ?"
Gaëlyr pesa soigneusement ses mots avant de répondre.
" Je pense, messire, que je ne saurais répondre à cette question. Si la moitié de ce qu'on raconte sur lui est vrai, ou si le dixième de ce que j'ai lu dans les archives royales n'est pas mensonger... Cela se pourrait bien. Cependant, il s'était déjà évanoui dans la nature lorsque je n'étais même pas encore sur les listes d'Arkay, alors mon avis sur la question n'a que peu de valeur. Voulez vous que je cherche à en savoir un peu plus ?"
Le roi indiqua que ce ne serait pas la peine d'un geste de la main, puis reprit.
"Quoiqu'il en soit, il n'est plus là, mais vous si" dit-il en s'adressant cette fois à toute l'assemblée "Alors il serait bon que nous discutions du présent et de l'avenir, et que nous laissions le passé en paix. N'êtes vous pas d'accord ?"
Cette question de pure forme provoqua l'assentiment général, incitant le roi au continuer.
"Ainsi, comme autrefois, vous êtes venus pour... Pour quoi exactement, voulez vous encore explorer les ruines dwemers ? Cela a provoqué moult débats chez mes gens, la plupart ne croit pas aux vieilles superstitions qui courent sur ces ruines... Mais il en est pour y prêter foi, au moins par respect, sinon par crainte, des forces qui y ont été au l'œuvre et dont on ne sait toujours rien... Toujours est il que...
- Pardonnez moi, roi Farid, de vous interrompre ainsi " dit le représentant de la guilde des commerçants " mais en vérité notre but est tout autre..."
Sa phrase s'éteignit dans un murmure lorsqu'il aperçut Gaëlyr, le dévisageant froidement de ses yeux de glaces.
"En effet pardonnez le, tous ne sont pas capables de tenir leur langue. Mais pour achever ce qu'il voulait dire, nous ne sommes pas venues pour ces ruines, pour intéressantes qu'elles soient, les dangers qui les habitent ne nous permettent pas de les explorer, plus maintenant que la Garde du Phénix est morte. La plupart de ses guerriers sont morts durant la guerre. Ils se sont battus avec bravoure et Ebonarm les a sûrement reçus lui-même pour honorer leur sacrifice, mais ils sont morts. Ceux qui restaient sont retournés aux champs, aux villes et aux châteaux qu'ils occupaient ou ont disparu avec messire Andariel et ne peuvent plus nous aider. Maintenant que leur combat est fini, il serait injuste de les rappeler. Par conséquent, il nous serait impossible d'assurer aux sages qui viendraient une quelconque sécurité dans ces ruines."
Farid médita ces mots.
"Alors quoi ? Nos mages sont peu nombreux et ne savent rien que les vôtres ne sachent déjà, nos maîtres de l'épée auraient certes bien des choses à apprendre, mais ils n'accepteraient de les apprendre qu'à des guerriers et encore, bon nombre refuseraient cet enseignement à des étrangers, encore que les brétons sont sûrement les seuls étrangers qu'ils accepteraient de former. Eux ou les nordiques, mais je crains que leur sauvagerie au combat ne leur valent que le mépris dans biens des clans guerriers rougegardes. Alors je répète ma question : pourquoi venez-vous ?
Gaëlyr le regarda profondément, puis dit ces mots :
"Vous l'avez dit vous même, messire, vous n'avez pas beaucoup de mages. Et tous les tamrieliens sont des étrangers pour vous, car au fond de vous, l'ancienne Yokuda vit encore. Votre peuple est unique dans tout Tamriel, vous êtes les seuls qui n'aient jamais été soumis aux Elfes, vous êtes les seuls qui n'aient jamais, ou en tout cas très peu, usé de magie. Vous réfléchissez et vous agissez de une façon qui vous est propre, à nulle autre pareil. Nordiques, cyrodiléens, dunmer, bosmer, altmer tous ont vécu ensemble, si bien qu'ils partagent tous une même vision de la réalité, qu'ils le veuillent ou non ils sont tous profondément liés, par quelque chose de bien supérieur à l'espèce ou aux peuples, une Histoire commune. Il y a bien un peuple dans le même cas, ne vous en déplaise ce sont les orsimers et leur connaissance du métal serait quelque chose d'apprécié par les érudits de Hauteroche... Tout du moins ceux qui ne veulent pas les étriper ou tout simplement qui ne les méprises pas. Quoiqu'en pense mon honorable compagnon" dit-il en désignant le sage " ceux là sont bien trop peux. Et la chose est vraie dans l'autre sens. De plus, j'aime à croire que vos connaissances sont plus vastes et diversifiées que les leurs. Par exemple, vous êtes le seul peuple de Tamriel à utiliser et savoir fabriquer de la poudre à canon, je suis persuadé que si vos maîtres alchimistes enseignaient leur savoir à nos érudits, de même que vos architectes et vos penseurs... Les sciences humaines et elfiques réunies dans nos deux peuples, imaginez le potentiel d'une telle combinaison, roi Farid."
Le roi Farid était captivé par ce discours, lui qui menait son peuple depuis tant d'années, il avait l'impression de le découvrir sous un nouveau jour. Il resta silencieux un instant, retournant ces pensées dans sa tête encore et encore, puis prit le parti de remettre tout cela au lendemain.
" Vous parlez juste sir Gaëlyr, nous nous reverrons demain, en même temps que vos compagnons, profitez de la table autant que vous le voudrez, il nous reste encore assez pour vous bien recevoir. Je vois souhaite la bonne nuit."
Fatigués de cet interminable repas et de la présence de tant de monde, le mage de guerre s'excusa de même et partit se coucher.
Il s'était dévêtu et allait se mettre au lit, lorsque que quelque chose attira son attention. Sur le lit, un rayon de lune se reflétait. L'origine de ce reflet était la chitine d'un scorpion du désert, noir comme la nuit. Il serait passé inaperçu sans ce rayon inopportun. Il vérifia rapidement que d'autres n'avaient pas pris place dans sa chambre et examina les ouvertures.
Sa fenêtre, qu'il avait laissé fermée, laissait maintenant entrer un petit filet d'air, on avait donc placé là, de manière délibérée ce scorpion.
Je ne pensais pas qu'ils attaqueraient si tôt, bon sang je n'ai même pas pu encore fabriquer d'antipoisons ! Peu importe... Mais cet animal va m'être fort utile.Doucement, il saisit une petite bourse de cuir et d'un geste leste, y enferma le scorpion. Rapidement, avant que son dard vienne à bout de la paroi, il enferma le tout dans un petit coffret.
Ils sauront que je suis sur mes gardes désormais, ils ne feront plus de choses aussi irréfléchies... Je devrai redoubler de prudence et me passer de nourriture. En effet, ce ne serait pas la première fois que la chose arrivait, un mage de guerre devait pouvoir affronter les rigueurs de la privation et c'était là l'une des premières étapes de l'entraînement altmer, à laquelle même ses pérégrinations solitaires dans la forêt de sa jeunesse ne l'avait pas préparé... Mais la soif serait un problème. Il devrait attraper un rongeur ou un petit animal pour goûter sa boisson, s'assurer qu'elle n'était pas empoisonner.
Le lendemain, après une nuit entière de méditation du jeûne, il pouvait commencer au attendre les nouvelles tentatives pour l'atteindre.
Toute la journée fut consacrée aux négociations pour la coopération entre les centres de savoirs de Hauteroche et de Lenclume : cette entente devrait-elle être inclusive, réservée aux humains ou ouvert à tous et toutes, quelles mesures de protection, dans quelles limites la guilde des commerçants apporteraient elles son soutien et dans quelle mesure pourrait-elle en retirer un bénéfice, comment les deux rois auraient-ils le contrôle de la chose, et cætera, et cætera.
C'est plus usé que fatigué que Gaëlyr finit sa journée. Il vérifia toutes les issues qu'il scella magiquement, sa porte exceptée qu'il referma néanmoins à clé et qu'il protégea d'une rune mineure de paralysie, cela le réveillerait au moins si un intrus se glissait dans sa chambre.
Au matin, ses protections étaient intactes et dans le piège qu'il avait installé, une souris était prise. Cela valait mieux qu'un rat, car elles étaient beaucoup moins résistantes. Il la glissa dans une bourse solide après l'avoir assommée d'une goutte de narcotique qu'il avait dans sa sacoche, afin de s'assurer qu'elle ne s'échapperait pas.
Il descendit aux cuisines, rongé par le soif, et abreuva le petit animal de quelques gouttes d'eau tirée d'un broc posé non loin de là. Une fois assuré que le broc n'était pas empoisonné, il remplit sa gourde de l'eau qu'il avait trouvé.
Encore une fois, sa journée se déroula normalement et la faim le laissa en paix, pour l'instant.
Comprenant qu'il devait forcer le destin pour arriver à ses fins et démasquer la conspiration qui se tramait à la cour, il décida de feindre un malaise. Les plats qui lui seraient amenés seraient plus facilement accessibles, ce qui encouragerait les assassins à en profiter et devant l'inefficacité de leurs méthodes, ils devraient l'attaquer de front et faire le travail eux-mêmes
Il se mît donc en condition pour que, une fois tombé, il puisse entrer en transe, laissant les gens croire qu'il faisait une syncope.
Il exécuta son plan durant la soirée de son troisième jour de jeûne.
Lorsqu'ils eurent quitté la chambre, personne n'en profita, comme prévu, si ce n'est le guérisseur de la cour. Celui-ci ne trouva aucune explication et décida donc en désespoir de cause, de le laisser se reposer en paix.
Le lendemain, il fit goûter ses plats par la souris, tous étaient sains.
Grâce à la transe, il pouvait se passer d'une part conséquente de son alimentation, ce qui diminuait encore les risques d'empoisonnement.
Ce ne fut que le cinquième jour, alors qu'il était affaibli par son jeûne et sa transe prolongée, que les conspirateurs osèrent s'en prendre à lui.
Cette première attaque, qui fut fatale à son goûteur, le rassérénera : il ne s'était pas trompé.
Il lui fallut encore attendre une journée, qu'il passa alité mais en faisant répandre la nouvelle de son rétablissement prochain, pour qu'ils se décident à passer à l'acte.
La nuit entre le sixième et le septième jour de jeûne, un homme tout de noir vêtu entra dans sa chambre. Quoique faible, Gaëlyr possédait encore assez d'énergie, qu'il avait précieusement gardé en réserve, pour lancer un sort de paralysie. Cette attaque surprise, et surprenante pour un homme supposément malade, pris l'assassin de court. Il tomba face contre terre, et Gaëlyr appela la garde pour qu'elle le maîtrise lorsque son sort cesserait de faire effet, ce qui ne tarda pas.
Ses récentes épreuves l'ayant privées de ses dernières forces, il ne put rien obtenir sinon la promesse que l'on placerait un garde dans sa chambre pour veiller sur lui jusqu'au matin,
Lorsqu'il se réveilla, une nourriture préparée et goûtée sous les yeux du roi lui fut aussitôt amener afin qu'il se restaure.
Ne sachant que faire de leur prisonnier, les protecteurs du palais le laissèrent sous bonne garde dans une geôle royale. Gaëlyr y fut amené et put commencer son interrogatoire.
Il détailla son captif et demanda à ce qu'on lui apporta ses effets. On ne lui avait pu trouver que quelques pièces de bronze, un parchemin apparemment vierge, ainsi qu'un médaillon enchanté en forme de crâne et d'ossements : le symbole du culte du vers !
"Ainsi donc, j'avais raison, les nécromanciens sont derrière tout ça. Parles, assassin, pourquoi faites vous cela ?"
L'homme en face de lui ne répondit évidemment pas et se contenta de plaquer sur son visage un sourire dément.
"Ouvrez lui la bouche." ordonna Gaëlyr, saisi de un doute.
De force, les guerriers rougegardes parvinrent à ouvrir sa mâchoire. Au fond de sa gorge, tel quelque ver immonde, s'agitait le moignon rougeâtre de ce qui avait été une langue.
"Fanatique..." laissa tomber Gaëlyr, intérieurement révulse par ce spectacle. "Très bien, j'obtiendrais les informations d'une autre façon."
Ce que bien peut savent c'est que le mysticisme est une discipline magique qui consiste en la manipulation de la magie pure et de toute les façons dont on peut en user, la transformer, la translater ou bien tout simplement la lire, ce qui est à la porté d'un apprenti pourvu qu'il ait commencé son apprentissage. Or, ce qu'encore moins de personne savent, c'est que l'esprit d'un individu, tout comme l'ensemble des choses, est d'essence magique. Il est donc possible d'y percevoir des variations. Non pas d'y déceler des mouvements nets et précis, il ne s'agit pas de télépathie, mais simplement d'y repérer la vérité, ou ce qui était connu comme tel, du mensonge, lorsque les esprits ne sont pas prêts ou entraînés.
"Est-ce-que d'autres comme toi sont dans la ville ?"
L'esprit virait au rouge, cela signifiait oui.
"Sont ils proches du palais ?"
Non"Sont ils dans les égouts ?"
Oui."Près du port ?"
Oui."Là où les quais sont les plus éloignés de la partie fréquentée du port ?"
Oui."... Bien... Maintenant... Que faites vous ?"
L'assassin venait de saisir ce que le mage était en train de faire et cette compréhension avait enclenché quelque chose en lui. Son poitrail sembla luire en son centre d'une intense lueur rouge et l'homme laissa entendre un horrible beuglement avant de s'éteindre, la poitrine consumée d'un feu intérieur... Et qu'il n'avait pas prévu.
Légèrement choqué mais toujours maître de ses moyens, Gaëlyr communiqua au capitaine de la garde les informations qu'il avait pu obtenir.
Dans la journée, ils vinrent faire un rapport au roi sur ce qu'ils avaient trouvé là. Les conspirateurs avaient eu le temps de fuir, mais sans pouvoir emporter avec eux tout ce qu'ils pouvaient, il restait encore quantité de parchemins et d'objets de rituels qu'ils avaient brûlés.
Le mage de guerre passa une semaine entière à décrypter, avec l'aide des érudits qui l'accompagnaient, les précieux documents.
De là, et s'étant remis de ses privations, il décida d'un plan d'attaque qui leur permettraient de mettre un terme à la conspiration.
- Spoiler:
Je précise que je n'ai pas encore fixé de limites précises à pouvoirs, mais que l'usage ici fait du mysticisme n'est pas un sort et que les autres sorts et techniques (comme la transe ou autre) utilisées sont réalistes (dans l'univers des elders scrolls et/ou le notre).